FR NL EN

Résultats d'une immunointervention chez des apparentés

Première démonstration qu’une immunointervention dirigée contre les lymphocytes T (anticorps anti-CD3 teplizumab) peut retarder l’apparition clinique d’un diabète de type 1 chez des apparentés à haut risque (Herold K, et al. New England Journal of Medicine DOI:10.1056/NEJMoa1902226 (online 10 juni 2019)

Article NEJ (pdf) et pièce jointe à l'article (pdf)

Le 10 juin 2019 les résultats ont été publiés de la première étude sur les effets de l’administration d’anticorps anti-CD3 chez des personnes à très haut risque de développer un diabète de type 1 endéans les cinq ans [1]. Les participants étaient des apparentés asymptomatiques (âge: 8-45 ans) d’un patient de type 1, mais qui avaient environ 90% de risque de développer un diabète de type 1 sur base des résultats de tests sanguins (présence d’au moins deux types d’autoanticorps et taux de sucre sanguin légèrement élevés lors d’un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale, OGTT).  Pendant 14 jours ils ont reçu quotidiennement une infusion intravéneuse de teplizumab, un anticorps dirigé contre la molécule CD3 des lymphocytes T. L’étude a investigué si ce traitement peut prévenir le diagnostic clinique, ou au moins le retarder. Il s’agissait d’une étude en double aveugle, contrôlée par placébo: cela signifie que ni le personnel, ni les participants étaient au courant si le produit actif ou une substance inactive avaient été administrés. Les résultats montrent que, chez ces personnes à haut risque, un court traitement au teplizumab était en mesure de retarder le développement de la phase symptomatologique de la maladie de deux ans, en moyenne, cependant avec des différences interindividuelles.

Après l’échec des tentatives de prévention précédentes (injections d’insuline, nicotinamide par voie orale) chez des apparentés à risque, ce travail démontre pour la première fois que l’évolution de la phase asymptomatique du diabète de type 1 peut être influencée. Cette observation constitue un résultat important qui indique que le processus pathologique sous-jacent peut également être freiné avant l’apparition clinique de la maladie, comme cela avait déjà été démontré précédemment chez des patients récemment diagnostiqués [2,3]. De nouvelles études devront maintenant investiguer de quelle manière le processus pathologique peut être arrêté de manière durable, plutôt que ralenti temporairement (voir ci-dessous, et liens vers article [1] et éditorial accompagnant [4]).

Contexte

Le diabète de Type 1 est à ce jour une maladie incurable, qui se développe quand le système immunitaire du patient attaque ses propres cellules beta productrices d’insuline dans le pancréas. On suppose que des facteurs environnementaux incomplètement élucidés peuvent déclencher le processus pathologique sous-jacent, de préférence chez des personnes avec une susceptibilité familiale ou génétique. Après une phase asymptomatique de plusieurs mois, voire des années, caractérisée par la présence d’autoanticorps spécifiques, des signes cliniques apparaissent en général brusquement quand la plupart des cellules beta ont été détruites, et leur masse fonctionelle résiduelle n’est plus en mesure de garder les taux de sucre sanguin dans les limites de la normale. Après le diagnostic clinique les injections quotidiennes d’insuline ne peuvent empêcher que la maladie reste associée à une espérance et une qualité de vie diminuée, surtout en cas de manifestation clinique en bas âge. Des méthodes de guérison durable doivent donc viser à préserver une masse fonctionelle de cellules beta suffisante.

En premier lieu, des études cliniques innovantes se sont concentrées sur des immunointerventions chez des patients récemment diagnostiqués. Plusieurs études précédentes – parmi lesquelles une co-ordonnée par le Registre Belge du Diabète (Keymeulen B, et al. N Engl J Med 2005; 352:2598-2608) – ont démontré qu’un court traitement avec des anticorps anti-CD3, dirigés contre une molécule des lymphocyte T, pouvait temporairement (jusqu’à 4 ans après le diagnostic) arrêter la destruction de cellules beta résiduelles chez certains groupes de patients. Ensemble avec des observations chez des animaux de laboratoire, les caractéristiques de ces sous-groupes suggéraient que l’administration d’anticorps anti-CD3 offrirait la possibilité de préserver une masse résiduelle de cellules beta plus importante, et donc l’opportunité de prévenir, ou du moins de retarder, l’apparition de signes cliniques avec leurs risques associés. C’est dans cette optique que le consortium de TrialNet aux Etats Unis a entrepris entre 2011 et 2018 une étude afin d’investiguer si une thérapie aux anticorps anti-CD3 en était capable.

Discussion des résultats

L’étude montre que, dans un groupe d’apparentés avec 90% de risque de diagnostic clinique endéans les 5 ans, une cure unique de teplizumab (infusions intravéneuses quotidiennes en doses croissantes pendant 14 jours) pouvait retarder l’apparition de signes cliniques de deux ans en moyenne, comparé à un groupe d’apparentés traités par placébo. L’effet était le plus marqué pendant la prémière année après l’administration, cependant avec des différences entre certains sous-groupes. Globalement, les résultats soutiennent l’hypothèse qu’un traitement aux anticorps anti-CD3 est le plus effectif pendant les épisodes de destruction autoimmunitaire active des cellules beta, telles qu’attendues juste avant ou juste après le diagnostic clinique.

Comme chez chaque nouvelle étude, on retient certaines faiblesses et quelques points d’attention. Plusieurs effets secondaires – en général faibles – du traitement ont été rapportés. Il s’agissait surtout d’une chute transitoire du nombre de lymphocytes circulants et d’éruptions cutanées. Un suivi prolongé devra établir le risque d’effets secondaires à long terme. Comme le groupe d’étude était relativement restreint, l’efficacité de l’administration de teplizumab devra être confirmée dans une plus grande population. De nouvelles études devront également identifier les participants de choix à un tel traitement, et déterminer sa dose optimale, ainsi que la fréquence d’une éventuelle réadministration. En cas de confirmation de l’efficacité des anticorps anti-CD3, on devra également vérifier si des personnes à haut risque sans apparentés atteints de diabète de type 1 peuvent également bénificier d’une telle thérapie. En effet, la plupart des patients (environ 90%) sont des cas sporadiques sans contexte familial. En plus, la recherche d’autres types d’immunointervention – si possible moins aggressives – doit être poursuivie, tout en ciblant les différents stades asymptomatiques du diabète de type 1.

En conclusion, la nouvelle étude de K. Herold et le réseau de TrialNet constitue une étape importante dans la recherche d’une prévention efficace du diabète de type 1, mais il faudra encore beaucoup d’études avant qu’il ne sera possible de retarder de manière durable l’apparition clinique de la maladie et de réaliser une guérison permanente du processus pathologique à grande échelle. Ce type d’études nécessite la collaboration de nombreux centres médicaux, telle que réalisée par le Registre Belge du Diabète en Belgique, afin d’identifier le nombre nécessaire de personnes à haut risque d’apparition clinique imminente. Dès qu’il sera possible de participer à une telle étude en Belgique le registre le signalera sur ce site.

Références

  1. 1. Herold K, et al. N Engl J Med 2019; DOI:10.1056/NEJMoa1902226
  2. 2. Herold K, et al. N Engl J Med 2002; 346:1692-1698
  3. 3. Keymeulen B, et al. N Engl J Med 2005; 352:2598-2608
  4. 4. Rosen C, Ingelfinger J. N Engl J Med 2019; DOI:10.1056/NEJMe1907458